a) Jeune fille ou vieille dame
b)Esquimau ou tête d'indien
En quoi ces images sont-elles ambigües?
Elles sont ambigües car on peut croire les interpréter de plusieurs façons si on les fixe assez longtemps. Essayez de voir dans ces images les deux interprétations possibles... Une fois que vous aurez vu les deux interprétations possible, votre perception passe d'une interprétation à l'autre sans difficulté. Cependant, on ne peut percevoir les deux interprétations en même temps.
Nous nous demandons donc ce qu'il se produit dans notre système visuel lorsque nous observons ce type de figure.
Une des théories pouvant rendre compte de ce phénomène de bistabilité visuelle nous vient des années 1940 et d'un psychologue allemand nommé Wolfgang Köhler.
Cette théorie propose que si notre perception alterne comme cela d'une interprétation à une autre, c'est parce que le réseau de neurones responsable de la perception d'une solution « se fatigue », et laisse la place à un autre réseau de neurones, responsable de la perception d'une autre solution. Et ainsi de suite jusqu'à ce que l'on arrête de regarder la figure.
Cependant, il se pourrait aussi que notre perception alterne d'une figure à une autre, parce que nous focalisons notre attention sur la découverte de l'autre interprétation.
En effet, si l'on on avait présenté ces figures ambigües sans nous dire que vous nous pouvions voir autre chose que notre première perception, sans doute n'aurions nous perçu qu'une seule et unique interprétation. C'est la preuve que la consigne influence notre perception dans les tests psychologiques.
Cependant, existe-t-il un corrélat expérimental de ces théories de la bistabilité visuelle?
Pour l'heure, les études menées chez l'Homme, en utilisant la technique d'électroencéphalographie ont permis de mettre en évidence une synchronisation d'un type précis d'ondes cérébrales, les ondes gamma, en divers sites du cuir chevelu, lorsque le phénomène de bistabilité a lieu. Cependant, il est encore trop tôt pour confirmer quelque théorie que ce soit; des expériences doivent encore être menées sur ce sujet.
L'étude de ces figures ambigües nous montre que le système visuel peut interpréter de plusieurs façons le monde qui nous entoure, et passer spontanément d'une interprétation à une autre. La perception visuelle est donc bien un processus interprétatif.
Ainsi, chaque personne ne verra pas necessairement en premier la même chose que quelqu'un d'autres. Nous avons ainsi décidé d'interroger plusieurs personnes rencontrées par hasard en leur montrant une figure ambigüe et en leur demandant ce qu'il voyait en premier entre deux choix. Les réponses restent globalement très variées.
Ainsi, en posant la question "voyez vous un angle creux ou un angle saillant?", nous avons obtenu les résultats suivants:
Dans cette figure, en regardant vers la gauche on apercevra un pont; en regardant vers la droite on apercevra des bateaux. Ainsi en posant la question "Que voyez vous en premier? Un pont ou un bateau", les résultats furent les suivants:"
Enfin, dans cette dernière figure, soit l'on voyait un lapin, soit l'on voyait un canard, selon que l'on regarde à droite ou a gauche : les oreilles du lapin représentant le bec du canard. Les résultats obtenus furent les suivants:
On observe ainsi que selon les individus, la forme vue en première change. Cependant on observe que dans de nombreux cas, beaucoup de personnes verront une des formes observables alors que peu verront la deuxième forme observable.
Les triangles de Kanizsa
Les illusions visuelles de complétion ont quelque chose de spécial. Dans le cas du triangle de Kanizsa, par exemple, nous perçevons spontanément un triangle blanc au centre alors que cette image ne contient en réalité que trois disques noirs. De plus, une fois que l'on perçoit de façon claire ce triangle blanc, nous avons l'impression qu'il occulte partiellement les cercles. Cette figure représente donc des contours illusoires et fait intervenir une occlusion d'objets.
"Salut Hello Buongiorno"
Ces figures illustrent une autre forme de complétion. Alors que la lecture est difficile sur la figure de gauche, l'ajout d'une simple tache d'encre permet de comprendre les mots sur la figure de droite. Que signifie donc ces illusions pour le moins stupéfiantes?
Le phénomène qui intervient dans ces illusions est la complétion. Elle ne s'applique pas uniquement dans les illusions inventées par les psychologues, elle est aussi présente dans notre vie quotidienne.
En effet, nous voyons rarement les objets de notre environnement dans leur intégralité, car ils sont souvent partiellement cachés par d'autres. A titre d'exemple, la maison, qui occulte partiellement l'arbre derrière elle, nous empêche-t-elle de percevoir cet arbre dans son intégralité? La réponse est évidemment non.
Notre système visuel perçoit de façon automatique notre environnement comme un tout, alors qu'il n'est jamais visible dans son intégralité, souvent composé d'objets ou de surfaces partiellement occultés. Cela implique que notre système visuel émet des hypothèses, des prédictions sur ce qui se cache derrière ces objets occultés. En effet, sans cesse nous émettons inconsciemment des hypothèses, des prédictions faites par le visuel qui sont exactes. Sur quoi ce dernier se fonde-t-il donc pour émettre de telles prédictions?
Plusieurs théories ont ainsi été formulées, mais les deux principales retenues sont les suivantes:
Les illusions de complétion nous montrent à quel point notre perception visuelle est influencée par nos acquis. Notre perception visuelle fonctionne par prédictions. Celle-ci repose sur les connaissances que nous avons des objets en termes d'attributs (forme, couleur, distance, mouvement...) mais aussi en terme de signification et de fonction.
Ainsi, un chêne est reconnu comme tel car nous distinguons ses caractéristiques propres de taille, de couleur, de forme des feuilles etc. ... Mais aussi car nous avons appris qu'il appartient à la catégorie des arbres, et qu'il peut nous chauffer l'hiver ou nous offrir de l'ombre sous un soleil de plomb.
La prédiction qui pourra être faite sur lui tient compte de tous ces éléments.
S'y ajoute aussi une autre dimension liée à nos actions: notre perception visuelle est influencée par notre état cognitif du moment: un lion affamé aura plus tendance à repérer le zèbre dissimulé derrière les branchages qu'un lion repu.
Il est également à noter que les figures ambigües trouvent une grande application dans la psychanalise; ce sont souvent des psychanalistes ou des psychologues qui créent ces illusions d'optique.